Le mercredi 29 octobre 2014 est une date historique : il s’agit de la première rencontre de Coupe Suisse organisée aux Vernets depuis la finale de 1972. A cette occasion, le GSHC va honorer son histoire et hisser les bannières de vainqueurs de la Coupe Suisse de 1959 et 1972. Nous vous proposons donc de vous replonger dans les archives avec une revue de presse de l’époque.
Sensationnel exploit du Servette qui bat les Young Sprinters (7-3) et remporte la Coupe Suisse
Tribune de Genève – Jean Deshayes
Onze mille spectateurs, chiffre record (plus qu’à l’inauguration, plus qu’à Suisse-Etats-Unis) ont salué d’une ovation monstre l’extraordinaire victoire du Servette sur les Young Sprinters en finale de Coupe suisse, remportée par 7 buts à 3, mercredi soir sur cette Patinoire des Vernets en passe de devenir piste « tabou » pour les « grenat ». Il y a six semaines, Servette y éliminait Lausanne ; quelques temps plus tard, il tenait en échec Viège et lui faisait perdre toute chance en championnat ; au début de ce mois, il « sortait » littéralement le C.P. Zurich et, enfin, hier soir, lui, le petit outsider de L.N.B. réussissait là où les meilleures équipes de L.N.A. avaient trébuché depuis deux ans : battre les Young Sprinters, détenteurs du trophée M. Walder…
Décrire la joie des joueurs qui se jetèrent et rejetèrent dans les bras les uns des autres avant de poser pour les photographes, puis faire leur tour d’honneur derrière leur capitaine Bongard, coupe à bout de bras ; décrire le délire des supporters qui jetaient en l’air leur écharpe bleue et grenat ; décrire l’enthousiasme du public juché sur des échafaudages, des échelles des bancs, des aérochauffeurs, est proprement impossible. Pendant de longues minutes, ce peuple de Genève, d’ordinaire aussi froid que le Grand-Quai un soir de bise d’hiver, perdit tout contrôle de lui-même. Jamais, non jamais, on n’avait vu ça, et on a pourtant déjà tant vu…
Tout le monde l’espérait mais personne n’y croyait !
Tout le monde l’espérait certes, cette victoire, mais au fond personne n’y croyait vraiment. Ce n’est qu’au 6ème but, celui que Dall’Oglio s’en vint marquer « à la canadienne » dans une contre-attaque toute de vitesse et de puissance à trois minutes de la fin, que les nerfs atrocement tendus de toute cette foule se détendirent d’un seul coup dans une folle explosion. Enfin, c’était partie gagnée !
Jusque là, tout était encore possible : un écart de deux buts, en hockey sur glace, n’est rien, et surtout devant une équipe aussi routinière que les Young Sprinters. Mais à 6-3, on pouvait respirer. Et quand, pour signer le tout de son paraphe inimitable, Zamick, le grand Chick Zamick, consacra à la dernière seconde (et ce n’est pas une image), le triomphe servettien par un septième but dans le style-éclair qui est le sien, la Patinoire des Vernets dut trembler dans ses fondations…
Cette victoire, le Servette l’avait voulue de toute sa volonté, et il l’avait eue. Au début, il avait dû, ce Servette, surmonter un « trac » terrible, mais bien compréhensible. Alors que Young Sprinters cherchait calmement le défaut dans la cuirasse, sûr de sa force et de son expérience, les « grenat », quasi paralysés, rataients leurs passes, leurs shots, leurs interceptions, et trois minutes ne s’étaient pas écoulées que Bazzi, sur service de Martini, ouvrait le score. Une minute plus tard, Roland Bernasconi eut la chance de pouvoir reprendre un magnifique centre de Schneeberger et d’égaliser. Mais Martini, bien servi par Blank, redonnait l’avantage à ses couleurs moins de 60 secondes après. Trois buts en quatre minutes, cela promettait !
Young Sprinters avait déjà perdu le match au premier tiers
Au fond, quand on y songe, c’est autant après ce troisième but qu’au dernier tiers que Servette gagna son match. Si, à ce moment-là, cédant au découragement, il s’était fait passer un nouveau but, Servette, avec deux goals de retard, aurait eu bien de la peine à annuler ce passif. Mais se ressaisissant de façon superbe, les Genevois oublièrent leur peur et se mirent à se battre, se battre, et les minutes commencèrent à passer sans que l’écart s’accroisse. A la fin du tiers, on en était toujours à 2-1 pour les Neuchâtelois, mais ceux-ci avaient manqué le coche, tandis que les Genevois, ayant laissé passer l’orage, avaient pris confiance.
La fatale erreur des Neuchâtelois
D’entrée, au second tiers, Zamick remit les équipes dos à dos, et les Young Sprinters commirent alors l’erreur qui allait leur être fatale : laisser en quasi-permanence leur première ligne sur la glace. Et cette ligne, certes talentueuse, mais tout de même fatiguée par une saison lourde de grands chocs, ralentit de plus en plus son rythme. Bientôt, même la seconde ligne servettienne en prit l’entière mesure, l’empêchant de développer son jeu, se défendant à la « Morgarten » puis relançant l’attaque à une allure toujours plus rapide.
A la 7’45’’ de ce second tiers, Bagnoud renversait complètement la vapeur en obtenant le No 3 sur renvoi de Neipp, puis à la 15’45’’, Schneeberger, d’un shot fouetté, pris exactement de la même manière que son fameux but contre Zurich, portait la marque à 4-2.
Le travail de Zamick commence à porter ses fruits
Les dernières vingt minutes devaient être les plus palpitantes. Bagnoud, sur passe de Zamick, obtenait à la 1’35’’ le cinquième, mais sept minutes plus tard, Martini, du passe de Blank ramenait à 5-3. Et on en arriva à ces ultimes instants dont il est question plus haut.
Cette finale n’eut peut-être pas le panache de la demi-finale contre Zurich (l’enjeu était trop grand et l’on ne réussit pas tous les jours sept buts d’affilée), mais elle fut d’une incomparable grandeur. Servette a montré là ce qu’une équipe à priori inférieure est capable de faire et que l’esprit de Coupe est pas un vain mot. Voilà pour le moral. Côté technique, il est évident que tout ce que Chick Zamick n’a pas eu le temps de faire pour le championnat éclate maintenant dans le cadre de la Coupe. Et pour peu que ses hommes continuent à progresser dans les mesures de ces dernières semaines, la saison prochaine doit leur apporter d’intenses satisfactions, même sans Canadien sur la glace. D’ores et déjà. la seconde ligne l’a prouvé mercredi soir.
Les visiteurs jouèrent vieux
On dira peut-être qu’aux Young Sprinters, le gardien Neipp n’a pas encore une bien grande maturité ; que les Neuchâtelois devaient se passer des services de Golaz, blessé ; que Martini, Blank et Bazzi furent parfois malchanceux devant la cage de Staebler. C’est en partie vrai. Mais il est vrai aussi que les visiteurs jouèrent vieux et sans le quart de cette volonté qui anima les Servettiens ; que jamais ils ne se lancèrent à l’assaut des buts adverses comme doit le faire une équipe menée au score dans de telles circonstances.
Oui, Young Sprinters a autant mérité de perdre que Servette de gagner, et c’est là un résultat si sensationnel qu’il n’a pas encore fini de faire du bruit…
Servette : Staebler ; Schindler, Branger, Bongard, Dall’Oglio ; Chapot, Zamich, Bagnoud ; R. et M. Bernasconi, Scheeberger.
Young Sprinters : Neipp ; Renaud, Paroz, Uebersax ; Blank, Martini, Bazzi ; Schopfer, Nussbaum, Streun, Spichty.
Au vestiaire après la victoire !
M. Walder, donateur du trophée : « C’est là une victoire entièrement méritée. Le Servette a joué d’avantage en équipe que Young Sprinters. Son moral m’a fortement impressionné. Je suis particulièrement heureux que son succès soit dû en partie à sa seconde ligne qui, si elle continue, peut devenir une des meilleures du pays. Avant le match, je ne pensais pas que Servette pouvait gagner et j’avais décidé d’attribuer définitivement le challenge aux Young Sprinters si ceux-ci l’emportaient. Des matchs comme celui-ci donnent beaucoup d’espoir dans l’avenir du hockey suisse. »
Louis Barillon, président : « Depuis un mois, je n’avais pas vu jouer mon équipe. J’avais écouté à la radio le reportage de la demi-finale Servette-Zurich. Mais je n’imaginais pas me trouver face à une transformation pareille. Ce soir, le moral de toute l’équipe a été absolument extraordinaire. »
Claude Barbey, vice-président : « Honnêtement, je n’y croyais pas. Mais ce qui me fait plaisir, c’est le cœur que tous y ont mis. C’est un grand encourgagement pour continuer dans la voie que nous nous sommes tracées… »
Pierre Bongard, capitaine : « Je suis content pour toute l’équipe. C’est quand même quelque chose de formidable pour une formation de L. N. B. que de battre ainsi successivement trois équipes de L. N. A. C’est au dernier tiers-temps que je me suis rendu compte que nous pouvions réellement gagner. »
Kasper Branger : « Ce succès en Coupe nous laisse bien augurer du championnat de la saison prochaine et montre quel énorme travail Zamick a effectué dans nos rangs. »
Roger Chapot : « Tout le monde a bien joué, mais je ne suis pas content de moi… » (Ajoutons qu’il est le seul à être de cet avis…)
Roland Bernasconi : « La première ligne des Young Sprinters a joué trop longtemps et n’a pas pu rendre ce qu’elle aurait dû normalement rendre. On a fait un très bon match, comme contre Zurich. »
Walter Schindler : « J’étais sûr de gagner. Avec le Servette, j’ai déjà enlever un titre il y a quelques années, celui de champion suisse de Première ligue. Mais aujourd’hui, après dix-sept ans de hockey, ça fait tout de même plaisir de gagner la Coupe. A mettre ce succès à l’actif de Chick Zamick, qui a su développer entre nous une magnifique camaraderie. »
Bernard Bagnoud : « Encore maintenant, je n’arrive pas à réaliser comment nous avons gagné… En tout cas, nous avons gagné avec le cœur. Et je suis très heureux que l’école de Chick Zamick ait porté ses fruits avec le dernier mois de la saison. »
Walter Staebler : « Au début, toute l’équipe était un peu nerveuse. Pour ma part, je souffrais depuis plusieurs jours d’un abcès dentaire. Mais, après le premier tiers, j’ai tout oublié. »
Chick Zamick : « C’est vraiment merveilleurx comme toute l’équipe a travaillé du début à la fin. C’est grâce à cela que nous avons gagné, parce que chacun a joué pour les autres. »